Dans un système de santé en pleine transformation, quelle place l’infirmier libéral (IDEL) doit-il occuper ? La question que se sont posée les professionnels lors des Premières Rencontres des infirmiers libéraux d'Ile-de-France* est d’autant plus pertinente que le métier même d’infirmier est en pleine refonte. Et que le système de santé, lui, est au bord de la rupture. « Si le système va mal, ce n’est pas parce qu’on manque de ressources humaines. On dispose des meilleures ressources humaines au monde, avec 11 000 infirmiers supplémentaires par an, on a de l’argent – la France est l’un des trois pays du monde qui dépensent le plus en santé, on a un afflux d’avancées technologiques… Donc on devrait nager dans le bonheur », a ainsi matraqué Frédéric Bizard, professeur d’économie à l'ESCP et président fondateur de l’Institut Santé. Or, du bonheur, on en est loin. Car le système de santé souffrirait en réalité de l’obsolescence de son mode d’organisation et de son modèle économique.
Un système de santé à l’organisation devenue obsolète
Du côté financier, les dépenses de l’Assurance maladie ne cessent d’augmenter : 7% de hausse en moyenne par an pour un total de 8,3 milliards d’euros rien que pour les infirmiers libéraux, poursuit Frédéric Bizard. Dans un de ses récents rapports, la Cour des comptes pointait ainsi des soins de ville coûtant de plus en plus cher. Mais cette hausse ne repose que sur l’augmentation des volumes, soit du nombre d’actes pris en charge par les infirmiers. « Les prix n’ont pas évolué depuis 10 ans. On considère que vous faites de l’acte, mais vous êtes de plus en plus nombreux donc on n’augmente pas les tarifs. » « Nous n’avons jamais mis autant d’argent dans le système de santé, dans la profession », a abondé Albert Lautman, Directeur général de la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de l’Essonne, qui a souligné notamment les 700 millions d’euros supplémentaires débloqués pour le bilan de soins infirmiers (BSI) représentant « plus de 2 000 euros par infirmiers ». Et pourtant, « ça craque de partout. »
Car parallèlement, le système de santé fait face à une transformation démographique qu’il n’est pas capable, en l’état, d’affronter. Dans la ligne de mire, ici, le vieillissement de la population, d’une part, et la croissance des affections de longue durée (ALD), qui ne touchent pas que les plus âgés : la prévalence des cancers, entre autres, augmente chez les moins de 50 ans. En découle une demande de soins qui « augmente de façon extrêmement forte » à laquelle le système de santé, dans sa forme organisationnelle actuelle, ne peut pas répondre. « Nous avons besoin de travailler différemment pour gérer la transition démographique », a poursuivit Albert Lautman, qui a prévenu : « il n’existe pas de solution miracle. Les 10 prochaines années vont être compliquées. »
L’exercice coordonné, « c’est l’exercice de demain »
Comment penser alors une nouvelle organisation du système de santé ? En pariant sur l’exercice coordonné, répondent avec unanimité les intervenants, qui laisserait « une place à chaque professionnel et à ce qu’il peut apporter ». « C’est l’exercice de demain », a fait valoir Fatima Said-Dauvergne, infirmière et par ailleurs présidente de la FémasIF. Dans ce nouveau mode de fonctionnement, « l’intégration des IDEL » est indispensable. Car ces professionnels de santé, notamment dans les déserts médicaux, sont ceux qui connaissent le mieux les patients et leurs problématiques. Et, a rappelé Frédéric Bizard, les infirmiers couvrent trois besoins : la prévention, le suivi des affection de longue durée (ALD), et les soins courants. De quoi faire d’eux « une interface » entre les patients et le système de santé et ses différentes professions, a complété Vincent Cluzaud, patient et membre du bureau de France Assos Santé Île-de-France.
Il faut que notre rôle préventif, nos compétences en analyse clinique soient inscrits quelque part.
La formation initiale, un levier de cohésion interprofessionnelle
Si la multiplication des modalités d’exercice coordonné (CPTS, maisons de santé pluriprofessionnelles…) facilite désormais les échanges entre les professions, c’est toutefois dès la formation initiale que doit apparaître cet enjeu.
Un discours qui n’est pas nouveau, tant nombreuses sont les voix dans les divers métiers du secteur de la santé qui plaident pour plus de communication et de passerelles entre les cursus de formation. Et ce d’autant plus que la notion même d’exercice coordonné et ses différentes incarnations sont « des éléments qui ne sont pas si bien connus que cela », a observé Arnaud Corvaisier, directeur de l’offre de soins de l’Agence régionale de santé Ile-de-France. Entre CPTS, MSP ou encore Équipes de soins primaires (ESP), la distinction est encore trop souvent floue. L’exercice coordonné, c’est « la construction d’un parcours de soin, de missions complètes autour d’une patientèle, la définition de protocole de délégation », a précisé, à toutes fins utiles, Fatima Said-Dauvergne.
Reconnaitre les compétences de chacun, une nécessité
Un système de santé qui reposerait sur l’exercice coordonné aurait, de plus, un autre avantage non négligeable : permettre la reconnaissance de l’ensemble des compétences de chaque professionnel, dans une prise en charge où chacun a son rôle. Pour les infirmiers, il lui faudrait ainsi embarquer « une dimension d’autonomie » ainsi que l’idée qu’ils constituent « des acteurs de la prévention et de santé publique car ils sont des acteurs du premier recours », a défendu l’infirmière. Les compétences des infirmiers ont évolué, mais peinent encore à être reconnues, selon elle, notamment du fait d’une méconnaissance de la part des autres professions de santé, en particulier des médecins, sur le sujet. « Il faut que notre rôle préventif, nos compétences en analyse clinique soient inscrits quelque part ». Pour autant, la réflexion ne part pas de rien. Il existe d’ores et déjà des modalités d’exercice qui offrent une vraie reconnaissance des compétences infirmières : protocole Azalée, le « rôle en soins primaires qui se développe de plus en plus », la création d’un possible statut d’infirmier référent…, a énuméré Arnaud Corvaisier. Les trois missions listées par Frédéric Bizard vont constituer « l’ADN de l’infirmier de demain ».
Et s’il n’existe pas de solution miracle pour remédier aux problématiques auxquelles fait face le système de santé, les impulsions de la transformation viendront du terrain, veulent croire les intervenants. Avec, au cœur des initiatives, un mot d’ordre : partir de la demande – donc des patients – et non de l’offre.
*Qui se sont tenues à Malakoff (92), le mardi 12 septembre.
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